Migrants de Calais : des moyens pour la sécurité, pas pour l’humanitaire

Les associations présentes dans la « new jungle » espéraient des mesures concrètes sur le volet humanitaire du plan franco-britannique. Elles ne cachent pas leur déception.

Au lendemain de la visite des ministres de l’Intérieur français et britannique Bernard Cazeneuve et Theresa May à Calais, le Haut-Commissaire de l’ONU pour les réfugiés s’est félicité du plan d’action commun établi « en réponse à la situation complexe ». Antonio Guterres « salue en particulier les mesures de protection et humanitaires annoncées ». Les ONG présentes dans le camp appelé « new jungle » se montrent beaucoup moins enthousiastes.

D’abord parce que le texte ne prend pas en compte la réalité de la situation dans le bidonville de Calais. Près de 3.000 migrants s’y entassent dans des conditions humaines et sanitaires désastreuses. Ces dernières semaines, entre 30 et 50 nouvelles personnes arrivent chaque jour.

Comme les passages pour l’Angleterre se font maintenant au compte-goutte, on s’attend à voir 4.000 personnes en septembre. Et l’hiver approche », s’alarme François de l’association L’Auberge des migrants.

« Je suis abasourdi par le cynisme de ces propositions », tempête de son côté le docteur Jean-François Corty, directeur des opérations France de Médecins du Monde. Continuer la lecture

Le Royaume-Uni, « Eldorado des migrants » : vraiment ?

 

Malgré le danger et les drames, des dizaines de candidats au départ tentent leur chance chaque jour pour rejoindre le Royaume-Uni depuis Calais.

 

Dans la nuit de mardi à mercredi, un migrant soudanais est décédé, percuté par un camion alors qu’il tentait de rejoindre l’Angleterre depuis Calais. Il est le neuvième candidat au départ à perdre la vie en essayant de pénétrer dans le tunnel sous la Manche, en seulement deux mois.

Mercredi, c’était au tour d’un migrant égyptien d’être électrocuté après avoir tenté de monter à bord d’un Eurostar à la gare du Nord.

Alors que les drames se multiplient presque quotidiennement, la compagnie Eurotunnel a indiqué avoir recensé en moyenne 1.500 à 2.000 tentatives d’intrusion de migrants chaque nuit depuis le début de la semaine. Une situation intenable.

Alors, comment expliquer l’attraction qu’exerce encore le Royaume-Uni malgré le danger de la traversée ? Est-elle seulement justifiée ?

Langues, communautés : le Royaume-Uni reste le choix le plus évident

Cela peut paraître simpliste, mais le choix du Royaume-Uni obéit souvent en premier lieu à des raisons pratiques. Une grande partie des migrants qui tentent de rejoindre le pays sont issus de pays d’Afrique de l’Est et d’anciennes colonies britanniques comme la Somalie ou le Soudan. La langue anglaise est donc maîtrisée par les ressortissants de ces pays, qui optent alors logiquement pour le Royaume-Uni comme destination finale.

Ce choix s’explique aussi par l’existence sur place de communautés déjà très organisées. Contrairement à la France, le modèle communautaire prévaut et il peut être perçu par les migrants comme un système qui facilite leur intégration.

« Cela fait partir du ‘pack’ promis aux migrants par les passeurs », rappelle Pierre Henry, le directeur général de France terre d’asile. « Les migrants assimilent les communautés expatriées déjà sur place à une protection supplémentaire. Malheureusement, ils sont souvent confrontés à des systèmes mafieux qui exploitent leur vulnérabilité. »

Pour Jean-François Corty, directeur des missions France de Médecins du monde, l’impact des promesses des passeurs reste tout de même à relativiser :

La majorité des migrants sont jeunes et éduqués. Ils comprennent parfaitement leur situation et ce n’est pas le discours des passeurs qui les motivent. Si certains sont prêts à mourir pour passer la Manche, c’est parce qu’ils n’ont plus le choix et que leurs conditions de vie dans la région de Calais sont déplorables ».

Le marché du travail britannique agit comme un aimant Continuer la lecture

Mediapart lance l’opération Ouvrez l’Europe #OpenEurope

En partenariat avec sept journaux tunisien et européens, des associations et des ONG, Mediapart lance l’opération spéciale Ouvrez l’Europe #OpenEurope. Face à l’égoïsme médiocre des responsables européens, il s’agit de raconter les solidarités concrètes qui se construisent pour venir en aide aux migrants. Et de défendre un projet européen fidèle à ses valeurs d’accueil, d’asile et d’ouverture.

Calais : quatre ONG s’engagent dans une opération inédite auprès des migrants

Elles n’ont jamais mené une telle action en France : Médecins du monde, le Secours catholique, Solidarités international et le Secours islamique de France ont décidé de s’unir pour agir en urgence dans la « jungle » de Calais. En colère face à « l’irresponsabilité des autorités françaises qui laissent des personnes souffrir de la faim et de la soif », elles se disent contraintes de « se substituer à elles ». Elles seront présentes dans la jungle de Calais durant plusieurs semaines et ont déboursé environ 300 000 € pour cette opération. Continuer la lecture

200 migrants bloqués à Vintimille, entre Italie et France

200 migrants bloqués à Vintimille, entre Italie et France

par Laurent Vareille dimanche 14 juin 2015 17:01
Plusieurs dizaines de migrants se sont installés à même les rochers, à la frontière franco-italienne © MAXPPP

Depuis jeudi, près de 200 migrants sont bloqués par les policiers français à la frontière franco-italienne. Ils ont manifesté pacifiquement à Vintimille, entamé une grève de la faim. Les policiers italiens ont donc tenté des les disperser, ils se sont réfugiés sur les rochers en menaçant de se jeter dans la Méditerranée. La situation est confuse et sensible.

Depuis jeudi chez nos voisins transalpins, juste à la frontière franco-italienne mais aussi dans la ville de Vintimille, des centaines de migrants africains, venant principalement d’Erythrée et de Guinée sont bloqués. Mais cette fois-ci, ces migrants manifestent au grand jour, ne bougent plus et demandent à passer en France. La France refuse et les Italiens doivent donc faire face à ces clandestins qui pour certains se sont réfugiés sur des rochers au bord de mer. La situation s’enlise et pour Médecin du monde, présent sur place il y a urgence sanitaire.

Les autorités françaises refusent d’ouvrir le passage au migrants

Ce sont surtout des Erythréens, qui attendent, sur le parvis de la gare de Vintimille, mais aussi dans différents endroits de la ville, parcs et jardins, et bien sûr encore pour certains à la frontière, sur le bord de mer, à même les rochers.

De jeunes africains qui attendent le droit de passer en France pour gagner Paris, l’Angleterre ou l’Allemagne pour d’autres. Mais la réponse des autorités françaises reste la même : « on ne passe pas ». Alors ils attendent , assis sur  des marches ou des bancs, un sac en plastique avec toutes leurs affaires à leurs pieds. Ils attendent, dans des conditions qui commencent à devenir déplorables : à la gare de Vintimille, les enfants et leurs mères ont dormi à même le sol cette nuit, et commencent à manquer de vivres. La Croix Rouge italienne fait ce qu’ellle peut, des associations azuréennes espèrent organiser une collecte en début de semaine. Continuer la lecture

Françoise Sivignon, la French doctoresse

Elle a toujours préféré le travail sur le terrain au confort d’un cabinet de radiologie. Elue présidente de Médecins du monde, cette combattante dénonce le sort réservé aux migrants.

C’est son premier carton rouge. Elue ­présidente de Médecins du monde samedi 30 mai, ­Françoise Sivignon n’aura pas perdu de temps pour lancer son premier cri d’alarme. « L’Europe et la France sont en train de mettre en œuvre une politique de criminalisation des migrants », s’insurge-t-elle. A ses yeux, « ces gens sont traités comme des ennemis et considérés comme coupables du simple fait d’être là ».

Les rescapés de la Méditerranée et autres exilés peuvent compter sur le timbre clair de cette radiologue spécialiste du sida qui préside désormais aux destinées de l’organisation installée dans quarante pays. Ses accents rappellent d’ailleurs les tout premiers jours de Médecins du monde. Quand en 1980, il y a trente-cinq ans, des médecins bénévoles recueillaient sur leur bateau des boat people vietnamiens. Durant ses treize années de bénévolat, Françoise Sivignon a traîné son stéthoscope dans une bonne vingtaine de pays. Faire carrière dans un cabinet parisien ne l’a jamais fait rêver. Aussi a-t-elle toujours joué la remplaçante dans les cabinets des autres ou au sein des services hospitaliers, pour mieux rester disponible aux SOS de la planète.

La Voix des plus démunis

Enfant, Françoise Sivignon avait déjà la bougeotte au point de ne jamais tenir dans le cadre d’une photo, se plaignait son père. A 16 ans, sitôt le bac en poche, elle quitte sa petite ville de Nevers pour « monter » à Paris faire médecine. « J’étais bonne élève, l’idée de soigner me séduisait assez », rappelle-t-elle. Sa première expérience sera fondatrice et lui donnera le goût des combats politiques. « Au tout début des années 1980, j’ai eu la chance de travailler dans l’équipe de Willy Rozenbaum », pionnier de la prise en charge des malades du sida, à Paris. « J’ai croisé là des patients qui ont forgé mon admiration. On n’avait pas de traitement à leur proposer, mais ils voulaient savoir, comprendre et ils interpellaient avec véhémence les pouvoirs publics. » Continuer la lecture