La réduction des risques

La réduction des risques, une contribution sanitaire et humanitaire à la transformation sociale ici et là-bas

Interview de Patrick Beauverie, secrétaire général adjoint de Médecins du Monde, réalisée par Dominique Dumand

D. D : Quelle est ta perception de la Réduction des risques aujourd’hui ? Précisons que nous parlons ici de la Réduction des risques liés à l’injection de drogues par voie intraveineuse.

P. B : Au regard de l’actualité concernant les salles de consommation, la lutte contre le SIDA et les hépatites et la Loi de 1970, le débat sur la Réduction des risques éclaire la constance ou l’intemporalité du politique et révèle une évolution sociétale, fruit de trente années d’engagement de l’association Médecins du Monde et de profondes transformations sociales.

Un faisceau d’arguments permet de déceler un réel repli de la volonté politique d’avancer sur le plan de la Réduction des risques. En premier lieu l’arbitrage du premier ministre, Monsieur Fillon en défaveur des salles de consommation en est l’insigne manifestation. Les dispositifs d’accompagnement des injecteurs, notamment les salles de consommation, visent principalement à apprendre aux usagers les plus démunis et les plus marginalisés à manier l’injection en maîtrisant la majorité des risques infectieux ou autres liés à leur pratique. À des fins de couverture territoriale la plus large possible, les associations AIDES & Médecins du Monde proposent d’intégrer cette pratique éducative innovante dans l’existant (« Éducation aux risques liés à l’injection » et « Accompagnement à l’injection à moindre risques »). Le « collectif des salles de consommation » propose de développer cette pratique dans un dispositif dédié permettant de répondre au public des personnes les plus précaires. Ces deux propositions sont complémentaires et reposent sur les valeurs de la Réduction des risques. Ce projet, pourtant soutenu par les acteurs du champ de la santé et leur ministre Madame Bachelot, a été rejeté pour complaire à une partie de l’opinion publique au prétexte que l’État ne saurait favoriser la consommation de drogue. Cela révèle une bonne dose d’hypocrisie, car le risque ne situe pas là, mais bel et bien dans la propagation du Sida et de l’hépatite virale C.

Pointons ensuite les amendements portés par certains députés autour de la Loi de Sécurité Intérieure visant à systématiser le dépistage sérologique du SIDA en cas d’agression d’acteurs en charge de la sécurité ; la propension de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie à n’aborder le phénomène que sous l’angle de la morale et du contrôle de l’offre…

Pour autant, au-delà du constat de repli, dans ce domaine comme dans d’autres (migration, prostitution, troubles psychiatriques), ce faisceau d’arguments ne révèle finalement qu’une démarche électoraliste, visant à criminaliser la précarité et à séduire l’électorat de l’extrême droite et de la droite traditionaliste, en confortant les défenseurs de la loi de 1970 criminalisant les usagers. Hier comme aujourd’hui, la santé reste secondaire dans les priorités des hommes politiques.

A contrario, malgré de véritables stratégies de communication visant à renforcer les orientations récentes en matière de politique des drogues, l’opinion publique française ne suit pas aveuglément les décideurs publics et les hommes politiques. Riche et contradictoire, le débat devient de  plus en plus argumenté. Les résultats de la Réduction des risques (prévention, sensibilisation, distribution gratuite de seringues, …) sur l’épidémie de SIDA, les overdoses et l’insertion, sont reconnus au-delà de la sphère professionnelle spécialisée. Nul ne conteste que la proportion de patients infectés au VIH, en raison d’un usage de drogues par voie injectable, représentait 21% des nouveaux diagnostics en 1990 contre 2% en 2002. Les avancées proposées par les professionnels de la santé sont diffusées par les médias et souvent entendues par le public. La pacification de la relation avec le junkie des années 70 s’est inscrite dans la cité. L’image du  junkie s’estompe au profit d’autres représentations plus hétérogènes et plus réalistes. Si l’objet drogue reste, encore et toujours, star du débat, le sujet consommateur de drogue prend une place de plus en plus importante et les associations d’auto-support, d’entre-aide ou de représentation de patients sont invitées dans les medias généralistes ou les instances nationales et locales. Les sondages d’opinion présentent des résultats parfois en défaveur des salles de consommation, parfois en leur faveur. Et si les premières actions innovantes portées dans les années 80/90 par la Réduction des risques, l’ont été contre l’avis de la majorité des Français et par la force de ministres de la santé courageux, aujourd’hui, toute avancée pourrait être portée dans le cadre de débats citoyens. Malheureusement entre temps, un appauvrissement des politiques publiques s’est installé en la matière et ce pour de mauvaises raisons. Il faut noter toutefois que ces décisions favorisent la propagation épidémique et que de cela le gouvernement n’en fait pas cas.

 

D. D. : Comment s’est développée la Réduction des risques et quelle part l’association Médecins du Monde y a-t-elle prise ?

P. B. : D’abord impliquée à l’international, très vite, l’association Médecins du Monde s’est inscrite dans une démarche inter-associative en France. En raison de sa vocation à intervenir sur l’urgence, de sa volonté d’ingérence et de plaidoyer, elle s’est très vite préoccupée d’une épidémie naissante et encore peu connue : l’épidémie de SIDA. Fantasmée, elle fut décrite à ses débuts comme s’attaquant uniquement aux 4H (Hémophiles, Homosexuels, Haïtiens & Héroïnomanes) et se transmettant par les 4S (Sang, Sperme, Salive & Sueur) et suspectée d’être associée à une drogue en vente libre (poppers) ou à une pratique (sodomie). La découverte du virus responsable de la maladie puis de son mode de transmission va permettre de poser les choses, de les ordonner puis de les hiérarchiser. Médecins du Monde s’impliqua dans un premier temps dans le développement de centres de dépistage anonyme, volontaire et gratuit, dispositifs rapidement reconnus d’utilité publique puis transférés au dispositif de droit commun de santé publique.

La genèse de ces premiers dispositifs va entraîner la création puis la distanciation du premier groupe d’acteurs Médecins du Monde de lutte contre le SIDA. Une première branche, versée dans la santé publique et l’infectiologie, se tourne vers l’international et développe là-bas, la prévention puis le dépistage en population générale. Par la suite, se substituant au dispositif de droit commun, elle viendra en appui de ce que l’on nomme la « verticalisation » – création de centres de référence en milieu hospitalier – puis la « déconcentration » – création d’unités dans le dispositif de soins de santé primaire – du dispositif de soins dédié à la population générale et à des fins de lutte contre le SIDA.

Une autre branche, portée par la médecine générale, se tourne vers le principal groupe à risque dans les années 80 en France. Il y a urgence. Les usagers de drogues par voie injectable constituent le principal groupe à risque de transmission du virus et ils décèdent plus du SIDA que d’overdoses. Il y a nécessité d’ingérence et, au vu des conditions de vie rencontrées par les usagers de drogues par voie intraveineuse de l’Îlot Chalon, il devint nécessaire d’intervenir en dehors du cadre posé par la Loi. L’Îlot Chalon flanque la gare de Lyon sur son grand côté nord. Quartier d’intégration, premier quartier chinois de la capitale, l’îlot était parcouru par des rues particulièrement étroites dont certaines en impasses. Dans les années 70-80, le bâti était vétuste, délabré ou insalubre faute de lumière ou d’air. L’Ilot était devenu le théâtre d’un commerce de drogues, dans les ruelles, impasses, encoignures de portes et squats. C’était également un lieu de consommation d’héroïne connu des usagers de drogues, emblématisé par les medias et, lors de sa rénovation, la scène se déplaça vers le 18ème arrondissement de Paris à la Goutte d’Or et à Stalingrad.

En effet, l’interdiction de vente de seringues en pharmacie de ville oblige certains usagers à partager à dix ou vingt personnes par jour, une même seringue disponible dans un squat. Ce constat amène, en 1987, Médecins du Monde à ouvrir le premier programme médicalisé d’échange de seringues, dispositif qui sera, par la suite, développé dans les grandes villes françaises, puis soutenu et reconnu en 1993 par le ministère de la Santé.

Dans la foulée de la clinique Liberté à Bagneux – premier centre méthadone ouvert sur la cité et hors cadre expérimental – Médecins du Monde va inaugurer successivement des centres méthadone dans les principales villes de France. Objectif : soutenir ce développement médical sur l’ensemble du territoire et faire bouger le cadre réglementaire concernant l’accès aux soins des personnes dépendantes des opiacés. La démarche sera reconnue puis renforcée par le ministère de la santé, a minima en 1995 et plus largement en 1996. Médecins du Monde propose par la suite, des unités mobiles d’accès aux traitements pour toucher  les usagers les plus précaires et les plus vulnérables, ce sont les « bus méthadone ». Enfin, l’association développera son action au profit des usagers de drogues par voie injectable vers l’international (Saint-Pétersbourg, Belgrade, Chengdu, Kaboul…) et, en France, vers les jeunes consommateurs de drogues en milieu festif techno libre, les raves.

 

D. D. : Comment vous situez-vous, entre modèle biomédical et modèle psychosocial ?

P. B. : Tout au long de ces années, l’association Médecins du Monde s’est constamment impliquée dans l’innovation médicale et la transformation sociale au profit des usagers de drogues. La rencontre entre un modèle biomédical d’une part et un modèle psychosocial d’autre part constitue l’un des points les plus intéressants de cette histoire, tout comme l’importance de la médecine générale dans sa fonction intégrative sous l’angle anthropologique, un autre chantier de l’association.

Des années 60 aux années 90, seul le modèle psychosocial animait l’action des intervenants en toxicomanie. Regroupés au sein de l’Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie (actuelle ANITEA), ces acteurs furent porteurs des démarches de prévention de la transmission du SIDA dès 1985, comme la vente libre de seringues en pharmacie de ville, mais ils ont été particulièrement réfractaires aux traitements substitutifs opiacés. Ces derniers furent portés essentiellement par les médecins généralistes et quelques rares psychiatres sensibles au modèle biomédical. Modèle psychosocial et modèle biomédical se faisaient face. Seules l’impériosité de l’épidémie de SIDA, la nécessité de promouvoir l’accès à des soins continus dans le temps, et l’implication de médecins généralistes ou de pharmaciens d’officine hors cadre (ou réunis en associations de visibilité suffisante), vont amener le champ spécialisé historique à accepter un élargissement de l’offre de soins (dont les traitements substitutifs par la méthadone et la buprénorphine) et à concevoir une approche commune encourageant une prise en charge globale, c’est-à-dire médico-psycho-sociale.

Une troisième voie semble possible aujourd’hui, dans le cadre des missions raves et de la pratique du « testing », aujourd’hui interdite par le législateur. En effet nous n’y retrouvons aucune de ces deux approches : ni l’une, ni l’autre ne semblant vouloir aborder explicitement la question du rapport drogue/plaisir… Mais, qu’importe finalement, puisque c’est dans les interstices que se jouent les relations, se construisent les débats les plus féconds et qu’apparaissent d’autres horizons que ceux relevant du champ socio-sanitaire.

 

D. D. : Qu’en est-il aujourd’hui en France et pourquoi ce brouhaha autour des drogues, des consommateurs de drogues et de leur santé ?

P. B. : Nous devons constater et nous inquiéter du retard pris en France dans les dispositifs de Réduction des risques liés à l’usage des drogues par injection. En premier lieu, le puzzle santé dédié aux usagers de drogues s’avère incomplet. En France, contrairement à ce qui se passe dans les pays anglo-saxons, la place des pairs, des usagers experts, de l’auto-support ou de l’entre-aide est restreinte à sa part la plus modeste. Ce, principalement en raison de notre réticence face au communautarisme confondu ici avec l’action communautaire de groupes de personnes partageant une même pratique et de collectifs de solidarité. Rappelons que dans le champ de la Réduction des risques, les pairs (au sens technique et issu de l’anglais peer) sont des usagers de drogues (plus ou moins à distance de l’usage) ayant acquis des compétences par leur expérience en tant qu’usager de drogues et en tant que bénéficiaire des dispositifs de Réduction des risques et/ou par la formation. Cette construction présuppose un partage des savoirs et une confrontation des pratiques symétriques. Elle facilite l’articulation du dispositif médico-psycho-social avec la scène des usagers. Le dispositif en France, comparé à ce qui est proposé à dans l’Union européenne et ailleurs, manque de structures dédiées aux plus précaires et vulnérables et il est insuffisamment efficace face à cette épidémie mal connue qu’est l’épidémie d’hépatite virale C chez les usagers de drogues par voie injectable.

Enfin, en second lieu, tous les rapports internationaux invitent à un ajustement des politiques internationales et nationales en matière de drogues alors que nous « fêtons » à regret le 40ème anniversaire de la Loi du 31 décembre 1970.

Tant au plan de la santé qu’au plan de la justice, rien ne semble aujourd’hui entendu et tout paraît impossible.

D’une part, la lutte contre les hépatites virales C ne suffit pas à faire levier pour débloquer les positions, comme cela avait été le cas dans le cadre de la lutte contre le SIDA, dans l’opinion publique ou chez les décideurs. D’autre part, les plus précaires et vulnérables ne font plus l’objet du niveau de solidarités associatives et communautaires autrefois exprimées dans le contexte de progrès social des années 80. Enfin, la Loi de 1970, souvent remise en question sous l’angle de la lutte contre le SIDA de 1990 à 2000, n’a pas été réformée quand cela était possible. Peut-on imaginer qu’elle le soit dans un contexte de repli identitaire, sécuritaire, bien pensant et de surcroît de crise économique et de peur ?

 

D. D. : Ici & Là-bas : qu’avez-vous appris ?

P. B. : De Marseille à Saint-Pétersbourg, de Montpellier à Chengdu, de Paris à Belgrade ou au Myanmar, de Brest à Dar-es-Salaam, de Calais à Kaboul, nous avons observé, comme toujours, des éléments relevant d’une lecture universaliste, des éléments relevant d’un décodage culturaliste, une part de déterminisme, mais surtout un accueil bienveillant et une volonté partagée de lutter contre le SIDA et la stigmatisation (tout du moins sur le terrain).

Quels que soient la ville et le pays d’implantation, les usagers de drogues sont toujours stigmatisés. Et plus que les fumeurs, les mâcheurs ou les gobeurs, ce sont les injecteurs qui font l’objet du rejet le plus marquant : parfois raflés et emmenés hors de la cité pour un avenir incertain, parfois battus et enfermés à seule fin de  prise en charge radicale et inefficace, parfois incarcérés pour reproduire de manière caricaturale et exacerbée leurs pratiques entre les murs, parfois condamnés à mort. Jamais, ici ou là-bas, nous n’avons remarqué, à leur égard, un regard ou une posture conforme aux Droits de l’Homme affichés dans la déclaration universelle.

Les usagers de drogues, dans la plupart des cas, ne connaissent pas les données épidémiologiques spécifiques puisqu’ils n’accèdent pas aux dispositifs offerts à la population générale. Non pas que les professionnels de santé leur en refusent explicitement l’accès, mais par ce qu’il en est ainsi. Lorsque la population générale se présente dans ces centres, elle est accueillie de l’ouverture à la fermeture. Mais c’est seulement en fin de journée, lorsque les professionnels sont épuisés et que le matériel fait défaut, que se présentent les plus pauvres d’entre eux : les personnes à la rue, les déplacés ou les migrants, les personnes se prostituant ou les usagers de drogues. Sans autre élément explicatif que la dimension culturelle. Il ne peut y avoir de réponse sanitaire efficace sans dispositif dédié, spécifique complémentaire du dispositif dédié à la population générale et allant vers ceux qui ont déjà tourné talons.

Si le discours, les valeurs et le verbatim de la Réduction des risques essaiment et diffusent selon un mode vertical descendant, cher aux lobbyistes anglo-saxons, son appropriation locale est hasardeuse voire pervertie et sa mise en œuvre quasi-inexistante. Nombreux sont les pays que nous avons visités et qui déclaraient avoir inscrit la Réduction des Risques dans leur plan national de lutte contre le SIDA ainsi que l’existence de dispositifs spécifiques et nécessitant financement, mais qui en réalité, n’offraient aucun accès au dépistage, à la prévention ou aux soins.

Nous avons bien constaté les limites des guidelines internationales ou européennes de la Réduction des risques et, a contrario, apprécié tout l’intérêt à développer une analyse des déterminants socioculturels et économiques avant toute implantation puis pendant l’action. Mais nous avons  surtout compris que les valeurs, principes et méthodes de la Réduction des risques étaient tout aussi pertinents pour atteindre d’autres populations que d’aucuns qualifient de « à risques » mais que nous préférons appeler vulnérables : personnes se prostituant, homosexuels ou migrants.

Enfin, et c’est vers cet axe de plaidoyer que nos regards convergeront peut-être demain, nous constatons dans le temps, tout au long de notre histoire, ici et là-bas, l’importance de la prise en considération des mutations sociales dans l’émergence d’une pratique à risque chez les personnes les plus vulnérables au vu de leur trajectoire et de leur place dans la cité. C’est probablement par cette entrée que nous retrouverons tout l’intérêt de notre contribution sanitaire et humanitaire à la transformation sociale ici et là-bas.

 

D. D. : Dans ce climat quelles actions innovantes et de résistance les membres de Médecins du Monde envisagent-ils dans les prochains mois ?

P. B. : Face à un tel contexte, en France, les esprits s’aiguisent et les innovations s’ajustent. En attendant de pouvoir développer  des salles de consommation, Médecins du Monde a initié en 2010 l’éducation aux risques liés à l’injection et l’association transmettra ses premiers résultats d’évaluation lors de la journée mondiale de lutte contre les hépatites virales en 2011. Entre temps, nous informerons décideurs, administrations de santé et medias sur le sens de notre démarche et les résultats attendus. En parallèle, et dans l’attente d’un débat citoyen sur la Loi de 70, nous sensibiliserons les acteurs de Médecins du Monde et mettrons en avant la nécessité de décriminaliser l’usage des stupéfiants.

Enfin, et à des fins de résistance, plus qu’hier et forts de notre expérience ici et là-bas, nous devrons faire preuve de pédagogie  et remettre au centre du débat le sujet plus que l’objet, c’est-à-dire l’individu  plus que la drogue ; nouer des alliances directes avec nos partenaires historiques et nos partenaires de route (AIDES, ASUD, AFR, ANITEA, Techno+…), imaginer des leviers entrant dans le champ de l’économie de la santé tout en gardant le cap sur nos fondamentaux – une médecine généraliste attachée à réduire les inégalités de santé selon des stratégies de santé communautaire et à des fins de santé publique. Bref, comme avant et mieux qu’avant, soigner, témoigner, respecter notre identité et afficher nos valeurs.

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