L’expérimentation des salles de consommation à moindre risque votée à l’Assemblée

C’était une des mesures emblématiques de la loi de modernisation du système de santé, un « marqueur idéologique de la gauche », selon l’expression du député Pierre Lellouche (UMP, première circonscription de Paris). Le principe de l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque a été adopté mardi soir à 50 voix contre 24 au terme de quatre heures de débats parfois houleux dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.

L’opposition n’a pas eu de mots assez durs pour qualifier ces salles, les qualifiant d’« illusions », d’« irresponsabilité » et d’« idée choquante à plusieurs niveaux ».

D’autres se sont montrés plus réservés, à l’image du député Jean Lassalle qui a avoué « ne pas avoir de position très tranchée sur cette question ». Le député non inscrit de la 4e circonscription des Pyrénées Atlantique a néanmoins reconnu que la question des addictions aux drogues injectables était « un fléau qui réclame peut-être une politique de rupture. »

En réponse aux critiques, la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, a argumenté que« ce n’est pas en faisant tomber un voile noir sur cette situation sociale qu’on la ferra disparaître, cette question mérite mieux qu’un débat politicien ».

Les parlementaires de l’UMP et du FN ont proposé de multiples amendements de suppression, suggérant de réorienter les sommes prévues pour financer les expérimentations (800 000 euros par an et par salle) vers le développement de dispositifs existants comme les appartements thérapeutiques. Tous ces amendements ont été rejetés.

Satisfactions des acteurs de la réduction des risques

« C’est une victoire dans le champ de la réduction des risques, s’est réjoui Jean François Corty, directeur des missions France de Médecins du Monde, on ne peut que se réjouir car on vit dans un contexte d’urgence sanitaire et sociale auquel on ne peut pas répondre, surtout en ce qui concerne l’épidémie d’hépatite C. »Pour le Dr Jean Michel Delile directeur du comité d’étude et d’information sur la drogue et les addictions (CEID), « la porte est maintenant ouverte ! On a aussi vu dans le cadre des débats que les salles de consommation ne nous coupent pas d’autres approches, comme les consultations jeunes consommateurs ». Continuer la lecture

MDM s’attaque aux brevets pharmaceutiques

Dans un petit cinéma parisien, l’ONG Médecins du Monde projetait ce mois-ci un documentaire sur le combat mené il y a quinze ans dans les pays pauvres pour l’accès aux traitements du sida. Dressant un parallèle avec la situation actuelle et la problématique des brevets, notamment dans l’hépatite C.

Ce lundi 16 mars, salle comble pour le petit cinéma Studio 28, au nord de Paris. Au programme ce soir, à l’initiative de l’ONG Médecins du Monde : un documentaire présenté en sélection officielle au Sundance Festival 2013 et au Forum social 2015 du Conseil des droits de l’Homme, mais jamais projeté en France : Fire in the Blood. Le récit du combat mené entre 1996 et 2003, en pleine explosion du sida, pour l’accès aux génériques dans les pays en développement, incapables de payer le prix des antirétroviraux brevetés. Un accès que refusaient, au nom du respect de leur propriété intellectuelle, les laboratoires pharmaceutiques occidentaux. Ils venaient pourtant de révolutionner le traitement du VIH en permettant enfin aux patients de vivre avec la maladie, au lieu d’y succomber rapidement.

Les images, tournées en Ouganda, en Afrique du Sud, en Inde, mais aussi aux Etats-Unis, suivent le récit de quelques survivants et des acteurs clés de cette lutte : militants – principalement africains -, ONG, soignants, personnalités politiques, journalistes… Sans oublier deux industriels : le patron du laboratoire allemand Biogenerics et le fabrican indien de médicaments génériques Cipla, présenté en héros. C’est lui qui fera basculer le combat en étant capable de proposer un« prix magique » pour ces génériques : 350 dollars par an par patient, contre 15 000 dollars dans les pays développés.

Le documentaire rappelle les familles décimées en Afrique. Les 10 millions de décès liés au sida entre 1996 et 2003 alors qu’on ne mourrait plus de cette maladie dans les pays riches. Il dénonce le discours des big pharmas, des pays occidentaux et des grandes organisations internationales, convaincus que les plus pauvres ne sauraient prendre leur traitement correctement ou que des génériques entraîneraient forcément de la contrefaçon, voire un refus des patients des pays riches à payer à leur tour plein pot.

LE PROBLÈME DU SUD DEVIENT AUSSI CELUI DES PAYS DU NORD

Et aujourd’hui ? Les accords ADPIC signés en 2006, qui place le contrôle des brevets sous l’égide de l’OMC, ont mis fin à la possibilité pour des pays comme l’Inde de contourner ce droit et de produire des médicaments à bas prix pour les plus pauvres, comme elle le faisait depuis 1970, dénonce le documentaire… « En ce sens, il fait pleinement écho au plaidoyer actuel sur le prix des traitements contre l’hépatite C et contre le rationnement des patients pouvant en bénéficier, complètent, à l’issue de la projection, les experts de Médecins du Monde. Fait nouveau, ce qui était un problème du Sud devient aussi un problème du Nord », alors qu’aux Etats-Unis par exemple, la moitié de la population n’aurait pas de quoi se payer les médicaments qui lui sont prescrits. L’ONG vient de lancer une action à l’échelle européenne pour dénoncer le brevet du traitement Solvadi du laboratoire américain Gilead, véritable innovation dont le prix avait suscité la polémique l’an dernier. Y compris en France où un prix a finalement été négocié avec le ministère de la Santé. Continuer la lecture

Prostitution : Médecins du Monde interpelle les Sénateurs

Médecins du Monde envoie aujourd’hui à chaque Sénatrice et Sénateur un webdocumentaire rassemblant des témoignages de personnes se prostituant. Les 30 et 31 mars prochains, la proposition de loi sur la prostitution sera examinée au Sénat. Il est donc essentiel que les élus français entendent la parole des principales concernées.

Afin de faire entendre leur voix, Médecins du Monde a envoyé aux Sénatrices et Sénateurs des témoignages recueillant la parole de quatre personnes se prostituant. Ces dernières expliquent à quel point elles redoutent l’impact de la pénalisation des clients et la crainte de voir se développer une prostitution dans des lieux plus isolés. Continuer la lecture

« Les laboratoires pharmaceutiques investissent souvent moins dans leur R&D que dans le marketing », selon Médecins du monde

L’ONG Médecins du Monde (MDM) a engagé un bras de fer contre le laboratoire américain Gilead. Afin de favoriser l’arrivée de génériques à moindres coûts, elle demande à l’Europe de s’opposer au brevet du sofosbuvir, un nouveau médicament très efficace contre l’hépatite C, mais au prix exorbitant. Les explications de Céline Grillon, responsable du plaidoyer pour la réduction des risques à MDM.

L’Usine Nouvelle – Engager une action contre un brevet pour faciliter la mise sur le marché des génériques est une pratique connue dans les pays émergents. Est-elle vraiment applicable à l’Europe ?

Céline Grillon – La question n’est pas de savoir s’il faut s’inspirer des stratégies utilisées avec succès par les pays émergents pour faire baisser les prix des traitements. Mais comment se fait-il que des traitements comme le sofosbuvir soient commercialisés à des prix aussi élevés, que même les pays européens se retrouvent en difficulté pour garantir les traitements à leurs patients ?

L’Europe est pourtant un continent nettement plus riche et avec des systèmes de santé organisés pour faciliter l’accès au plus grand nombre ? 

L’Europe est effectivement un continent riche avec des systèmes de santé solidaires mutualisant les coûts pour permettre à tous l’accès aux soins. Pourtant, malgré un budget annuel sur les médicaments de 27 milliards d’euros, la France n’est pas en mesure d’assurer l’accès

au sofosbuvir pour l’ensemble des patients atteints d’hépatite C chronique.

Cela coûterait plus de 5 milliards d’euros, soit un tiers du déficit de la sécurité sociale en 2014 ! C’est justement pour sauvegarder notre système de santé solidaire que nous critiquons, avec d’autres associations françaises, le prix extrêmement élevé du sofosbuvir. La situation est la même dans d’autres pays européens où le traitement est rationné.

La France a pourtant accepté d’en prendre en charge intégralement le remboursement…

La Sécurité Sociale française prend en charge intégralement le remboursement des traitements contre l’hépatite C, comme elle le fait pour l’ensemble des affections de longue durée. Nous estimons qu’il s’agit d’un principe essentiel de notre système de santé solidaire, sans lequel les personnes les plus vulnérables seraient davantage exclues des soins.

Médecins du Monde est une association médicale engagée pour l’accès universel aux soins. Néanmoins, le sofosbuvir n’est prescrit qu’aux patients les plus sévèrement malades, et les critères de sélection sont plus restrictifs que ce que recommande le rapport d’experts mandaté par la Ministre de la Santé.

Si l’Office européen des brevets vous suivait, ne serait-ce pas la fin de la valorisation de l’innovation pharmaceutique ? La commercialisation de certains nouveaux traitements en Europe ne serait-elle pas menacée ? 

L’opposition au brevet est une procédure couramment utilisée entre laboratoires pharmaceutiques concurrents. Ces contentieux n’ont pas mis fin à la valorisation de l’innovation pharmaceutique et aux nouveaux traitements commercialisés en Europe ! N’oublions pas que le brevet a été institué pour bénéficier à la société dans son ensemble. Il faut donc veiller au respect d’un équilibre : récompenser une innovation en accordant un monopole temporaire d’exploitation sans pour autant bloquer l’activité innovatrice des autres laboratoires.

Un de nos arguments concerne la façon dont Pharmasset – le laboratoire qui a développé le sofosbuvir – a voulu se réserver plusieurs milliers de combinaisons moléculaires dont l’efficacité thérapeutique n’était pas démontrée. Ainsi, ce laboratoire interdisait aux autres chercheurs de développer d’autres médicaments potentiellement plus innovants ! Nous pensons que l’utilisation abusive des brevets stérilise l’innovation médicale. Il est nécessaire de créer de nouveaux modèles de financement de la R&D. Continuer la lecture

« LE LIEN AVEC LES USAGERS EST FORT »

Présentés lors de la Conférence mondiale sur le sida de Melbourne, les résultats de la recherche à l’accompagnement et à l’éducation aux risques liés à l’injection (AERLI) réaffirment l’intérêt de l’approche pragmatique des associations en matière de santé publique pour les consommateurs de produits. Marie Debrus, vice-présidente de l’AFR (Association Française de réduction des risques) et coordinatrice d’AERLI pour Médecins du Monde, revient sur le sens et la pratique de cette recherche, qui, selon elle, doit faire bouger les lignes de la politique nationale sur les drogues.

Comment cette recherche expérimentale de l’accompagnement à l’injection est-elle née ? Quel rôle ont joué les acteurs associatifs et la mobilisation communautaire dans la concrétisation de cette recherche ?

Marie Debrus : L’accompagnement à l’injection est une pratique issue du terrain. Pour Médecins du Monde (MDM), elle est née au sein des missions durant les « Rave Parties ». Les intervenants, sensibilisés à la pratique de l’injection, ont entendu la demande des usagers rencontrés en free parties et au Teknival. Ces derniers souhaitaient bénéficier d’un espace calme pour injecter ou avaient besoin d’une aide pour réaliser leur injection. Cette pratique était alors taboue et mal perçue par les autres usagers. Cet accompagnement à l’injection a également fait débat au sein des équipes de MDM, mais nous avons aussi perçu les bénéfices d’une telle approche, après un certain temps d’expérimentation. C’est ainsi que nous avons souhaité développer l’accompagnement à l’injection en milieu urbain au sein des CAARUD (Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues). Continuer la lecture