Médecine humanitaire : quand la recherche guide l’action

On connaît Médecins du Monde pour ses actions de terrain, moins pour ses programmes de recherche. L’ONG les conduit depuis une dizaine d’années. « Cela nous permet de renforcer nos combats, témoigne Niklas Luhmann, responsable du pôle Recherche et apprentissages de l’ONG. Générer des données de qualité en épidémiologie et en sciences sociales nous aide à prendre du recul et à aller vers la complexité. Cette démarche conduit à améliorer la qualité des projets, des outils utilisés et des plaidoyers, de comprendre les populations et les dimensions culturelles des enjeux de santé. La recherche est par ailleurs une base pour développer un dialogue avec les acteurs décisionnaires. Nous pouvons appuyer nos programmes de santé publique sur des données probantes. »

Des outils pour convaincre les décideurs politiques

La journée scientifique de l’ONG, organisée le 5 avril, à l’auditorium du journal « le Monde », a été l’occasion d’illustrer cette démarche. Malgré un montant dédié ne dépassant pas 1 % de son budget, Médecins du Monde lance chaque année trois ou quatre projets de recherche, conduits par les membres de l’ONG et/ou en partenariat avec des laboratoires de recherche. Chacun permet à l’ONG de renforcer ses actions et ses interventions. C’est le cas de l’étude menée à Tbilissi sur l’accompagnement des usagers de drogues par intraveineuse vers le traitement de l’hépatite C par des « éducateurs pairs »« La publication des résultats de ce programme s’est révélée importante pour convaincre les décideurs politiques de s’engager dans la réduction des risques et l’accompagnement vers le traitement », souligne le Dr Élisabeth Avril, responsable de mission Géorgie et directrice de Gaia Paris.

De même, l’étude sur le VIH, les infections sexuellement transmissibles (IST) et les violences parmi les travailleurs et travailleuses du sexe à Moscou, conduite par le Dr Dominique Pataut, responsable de mission Russie à Médecins du monde, a permis de « générer des données qui n’existaient pas », indique Niklas Luhmann. La question des IST reste en effet peu, voire pas du tout, prise en compte par les autorités du pays. « Nous avons compris que nous pouvions monter des programmes de réduction des risques, mais sans les nommer comme tels. Les autorités refusent tout simplement d’en parler », commente le Dr Dominique Pataut.

Améliorer les programmes existants

Dans cette même perspective d’amélioration de l’efficacité des actions et interventions, Dolorès Pourette, chargée de recherche au centre Population et Développement (CEPED) – IRD et Université Paris-Descartes, a mené une étude socio-anthropologique des facteurs influençant l’accès à la prévention et aux soins du cancer du col de l’utérus à Ouagadougou (Burkina Faso). L’enquête a permis de mettre en évidence des caractéristiques des femmes interrogées : l’importance de l’hygiène intime, le faible recours à un gynécologue, la méconnaissance du cancer et de ses causes, la difficulté de parler de la maladie, le rôle primordial de la gratuité du dépistage et enfin, le coût élevé des traitements et donc le rôle de soutien de l’entourage. Chez les professionnels de santé, c’est le manque de formation qui est ressorti.

Ces résultats ont dégagé des pistes d’actions pour améliorer l’efficacité des programmes de dépistage et de prise en charge. « La culture d’hygiène intime rend possible l’introduction d’un auto-prélèvement pour le dépistage », souligne ainsi Dolorès Pourette. Dans la suite de l’étude, un nouveau programme d’actions a été lancé, prenant en compte les résultats. Il se déroulera jusqu’en 2021.

 

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