Syrie : laissez-nous soigner

Par Thierry Brigaud Docteur et président de Médecins du monde et Pierre Salignon Directeur général de Médecins du monde

La situation en Syrie ne cesse de se dégrader et la violence contre les civils est insoutenable. Les images reçues par les réseaux sociaux sont plus terribles les unes que les autres, comme les récits des réfugiés ou des militants des droits de l’homme. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 60 000 morts selon les organisations des droits de l’homme, 700 000 réfugiés et près de 2 millions de déplacés internes selon les Nations unies. Lakhdar Brahimi, médiateur de l’ONU, parle, lui, désormais «de l’enfer» quand les médias lui demandent de qualifier le conflit. Cette guerre est une ignominie : exécutions sommaires, populations prises en otage et bombardées, personnels soignants arrêtés, exécutés, torturés. Pas de refuge pour se protéger. C’est aussi un conflit asymétrique, avec un gouvernement qui utilise la terreur comme arme de guerre et d’oppression, pour abattre une révolution d’abord pacifique lancée dans les rues du pays comme un affront au régime de Damas. Comment peut-on bafouer à ce point les droits humains et le droit international humanitaire ? Comment croire qu’il est possible d’acheminer et distribuer l’aide humanitaire de façon impartiale, alors que selon l’endroit ou selon ses destinataires, elle est elle-même considérée comme une manifestation d’opposition et traitée comme telle ? Soigner est devenu un crime. Continuer la lecture

«La lutte contre l’exclusion est un plus pour tout le monde»

Thierry Brigaud, le président de Médecins du Monde, est à Angoulême vendredi pour les Universités d’automne de l’ONG. Pour travailler sur une nouvelle forme de militantisme.

Médecin du travail au CHU de Montpellier, Thierry Brigaud a pris la tête de Médecins du Monde en juin dernier. 	Repro CL

Médecin du travail au CHU de Montpellier, Thierry Brigaud a pris la tête de Médecins du Monde en juin dernier. Repro CL

Ils seront une petite centaine, à partir de demain et jusqu’à dimanche, à se retrouver à l’hôtel Mercure pour les Universités d’automne de Médecins du Monde. Un temps de réflexion organisé cette année par la délégation du Poitou-Charentes et destinée aux cadres dirigeants, délégations régionales, coordinateurs internationaux et administrateurs de l’ONG. Questions à Thierry Brigaud, nouveau président de Médecins du Monde.

Quelles thématiques allez-vous aborder ?

Thierry Brigaud. On va réfléchir à la façon d’intervenir autrement, en accentuant davantage le travail avec les partenaires, les bénéficiaires, mais aussi les autorités de santé, que ce soit sur des urgences ou des actions à long terme. L’idée est de nous intégrer dans un tissu social. C’est une balance entre la sécurité de nos équipes et le travail réalisé, l’objectif étant qu’il soit pérenne. Au Nord-Mali, on aide des Maliens déjà présents sur place, car il n’est pas possible d’envoyer un Français.

Cela est-il vrai en France ?

Oui, on gagne en efficacité quand les usagers participent aux projets. On teste, par exemple, des médiateurs santé pour faire le lien entre les Roms et notre système de santé. C’est comme ça qu’on arrive à travailler sur le planning familial, par exemple. A Angoulême, la grande réussite de l’équipe tient au partenariat mis en place avec les autres associations. On aimerait que ça fasse tache d’huile.

Vous êtes entré à Médecins du Monde en 1988, préoccupé par la montée de la précarité. Quel constat faites-vous, vingt-quatre ans plus tard ?

Je suis stupéfait de voir combien le phénomène s’est amplifié, alors qu’il existe des solutions. On sait par exemple que 10 % à 15 % des sans-abri ont des pathologies mentales. On a expérimenté des projets «housing first», qui consistent à proposer un toit en premier, avant d’entamer un travail social. Il ne faut pas faire les choses à l’envers.

23% de Français avouent renoncer à certains soins en raison de la crise. Les voyez-vous dans vos consultations ?

Pour l’instant, on les voit peu, car la CMU ou l’aide médicale d’Etat limitent la casse. Ce sont des gens qui diffèrent plutôt les soins d’optique ou d’appareillage auditif, mal remboursés par la Sécu. On voit un peu moins de 10 % de la population dans nos consultations. Mais on en a fait 40.000 cette année. Des gens font la queue et on voit désormais des mineurs isolés ou en bas âge avec leur famille. Il y a urgence à mettre en place une politique de lutte contre la pauvreté!

Vous plaidez pour une décriminalisation de l’usage des drogues. Marisol Touraine espère lancer des salles de consommation avant fin 2012…

C’est un de nos combats. Les salles de consommation permettent de tisser du lien social avec des usagers de drogue à haut risque, en voie de précarisation, mais aussi de réduire les risques d’infection. 60 % des usagers de drogue ont l’hépatite C. Sans compter que cet outil diminue les nuisances pour le voisinage. Si Marisol Touraine donne son feu vert, on ouvrira au moins une salle sur Paris dans un premier temps.

On entend de plus en plus de discours pointant les plus pauvres et les étrangers…

Ces discours de la peur me hérissent le poil. La lutte contre l’exclusion est un plus pour tout le monde. Quand certains prétendent que des gens viennent de l’autre bout du monde pour profiter de notre système de santé, c’est un mensonge. On le sait parce qu’on travaille ici et là-bas. Les villages choisissent au contraire ceux qui sont jeunes et en bonne santé, capables d’endurer un parcours migratoire dangereux pour ramener de l’argent. On dit qu’ils sont feignants ? Mais ils travaillent au noir et envoient plus d’argent dans leur pays d’origine que l’aide publique au développement !

Médecins du monde s’inquiète face à la malnutrition infantile au nord du Mali

Par RFI

Médecins du monde tire la sonnette d’alarme : le taux de malnutrition infantile au nord du Mali dépasse le seuil d’alerte. A l’occasion d’une campagne de vaccination organisée dans les régions de Gao et Kidal, campagne au cours de laquelle 19 000 enfants ont été traités, les équipes de Médecins du monde ont organisé un dépistage de la malnutrition. Les résultats sont alarmants, comme l’explique Olivier Vandecasteele, coordinateur de projet au Mali pour Médecins du monde. Son organisation appelle les donateurs à rester mobilisés, craignant que certains bailleurs de fonds mettent fin à leur financement en 2013.

Olivier Vandecasteele

Coordinateur de projet au Mali pour Médecins du monde

La prise en charge nutritionnelle est vraiment fondamentale. L’ensemble de la communauté humanitaire répond, sur ce dossier là, de manière très importante

31/10/2012 par Marie-Pierre Olphand

En Auvergne, Médecins du monde ouvre une mission dans le monde rural

Médecins du monde va ouvrir une mission dans le Puy-de-Dôme à destination du monde rural, une première en France, a annoncé mercredi 17 octobre Jean-François Corty, directeur des missions France de l’ONG. « On va démarrer des activités d’aide à l’ouverture des droits et l’accès aux soins en zone rurale, notamment en Auvergne », a-t-il déclaré. Ce centre sera ouvert dans les Combrailles, une zone à cheval sur le Puy-de-Dôme, la Creuse et l’Allier.

« Nous avons une équipe qui est en train de peaufiner le montage opérationnel », a ajouté le directeur, précisant que « ce projet devrait démarrer début janvier avec les premiers patients pris en charge ». Selon lui, « il s’agit de documenter et de travailler sur la question de la précarité et des accès aux soins en zone rurale ».

MIGRATION DE LA PAUVRETÉ

[SOURCE]

La santé des enfants pauvres se dégrade

Le rapport 2012 de Médecins du monde alerte sur le nombre croissant de mineurs qui fréquentent les centres de soin de cette ONG.

Des bénévoles de l'association Médecins du monde avec une famille de Roms, en Seine-Saint-Denis,...

MIGUEL MEDINA / AFP

Des bénévoles de l’association Médecins du monde avec une famille de Roms, en Seine-Saint-Denis, en septembre 2011.

Alors que le seuil de pauvreté a franchi le seuil de 14 %, le nombre de personnes démunies qui n’ont pas les moyens de se soigner suit logiquement la même tendance. Dans son rapport annuel publié mardi 16 octobre, Médecins du monde (MDM) indique avoir, en 2011, proposé 40 000 consultations, soit 22 % de plus qu’en 2008, au début de la crise.

Des Français parmi les patients

« Nous recevons une grande majorité de migrants qui ne connaissent pas leurs droits, ou pour qui il est très compliqué d’effectuer les démarches administratives pour y accéder », commente Jean-François Corty, directeur des missions France de l’organisation. Mais tous ceux qui consultent à MDM ne sont pas étrangers. Depuis peu, les praticiens solidaires de l’association voient aussi une part de patients français, 8 % au dernier bilan. « Ce sont essentiellement des personnes trop “riches” pour profiter de la couverture maladie universelle mais trop pauvres pour se payer une mutuelle » , poursuit Jean-François Corty.

48 % d’enfants en plus en trois ans

Cette année, l’association s’inquiète tout particulièrement du nombre croissant d’enfants accueillis dans ses centres de soin. Ils étaient 2 800 en 2011, soit 48 % de plus qu’il y a trois ans. L’association met en cause des conditions de vie dégradées. En 2011, 12 % vivaient à la rue et 66 % étaient hébergés par un organisme ou vivaient dans des logements précaires. Plus de la moitié étaient âgés de moins de 7 ans. Par ailleurs, 89 % des enfants reçus pour la première fois par Médecins du monde l’an dernier ne disposaient d’aucun droit ouvert à l’assurance-maladie, alors même que la loi leur donne un accès inconditionnel aux soins.

L’insalubrité en première ligne

Gale, tuberculose ou rougeole : on voit resurgir des maladies d’un autre siècle, notamment dans les camps roms. Le saturnisme refait également surface, alors qu’il était plutôt en recul ces dernières années. Diarrhées et maladies digestives sont également fréquentes dans les familles qui n’ont pas accès à l’eau potable, et frappent en premier lieu les nourrissons. « À Marseille notamment, nous avons à plusieurs reprises vu des pronostics vitaux engagés chez des enfants en bas âge qui vivaient avec leurs parents sur le trottoir »,  s’indigne Jean-François Corty.

JEAN-BAPTISTE FRANÇOIS

« Se soigner est devenu un parcours du combattant pour les plus démunis »

Dr Jean-François Corty, directeur des missions France à Médecins du Monde, dresse un bilan alarmant de l’accès aux soins pour les plus démunis.

Mercredi 17 octobre se tient la Journée Internationale de refus de la misère. Quel bilan dressez-vous ?

Nous sommes en situation d’urgence sanitaire. Tous les indicateurs sont dans le rouge. Nous avons dressé un bilan annuel, qui soulève de nombreux problèmes. Nous constatons, de façon générale, une dégradation des conditions d’accès aux soins des plus démunis. La fréquentation des centres est en croissance constante et rapide. Se soigner est devenu un parcours du combattant pour les plus démunis. Plus de 98% d’entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté, et un tiers retarde ses soins. Un autre constat alarmant concerne les mineurs reçus dans nos centres : leur nombre a augmenté de 48 % depuis 2008. La loi leur garantit pourtant en principe un accès inconditionnel au système de soins.

La crise a t-elle empiré les choses ?

La crise économique impacte la précarité et augmente les besoins. Il y a d’ailleurs ce que l’on appelle les « nouveaux exclus », qui sont des citoyens Français, en situation de grande précarité. Trop riches pour obtenir la CMU (couverture de maladie universelle), et trop pauvres pour avoir une mutuelle. Le système de santé actuel est de moins en moins solidaire. Il y a de moins en moins de remboursements donc le reste à charge est de plus en plus conséquent. Cela a indéniablement un impact sur les dispositifs de santé publique. Continuer la lecture