Santé “Nous avons un système de santé solidaire qui est malade”

“Nous avons un système de santé solidaire qui est malade”

“Nous ne voulons plus de cette politique répressive qui rend malade”, insiste le Dr Jean-François Corty. (Photo MP)

Le Dr Jean-François Corty, directeur des missions France de Médecins du monde, est actuellement en visite à la Réunion. À la veille des élections présidentielles et législatives, il souhaite interpeller les élus sur la santé des plus précaires.

Qu’aimeriez-vous dire aux élus ?

Même s’il s’agit du deuxième sujet de préoccupation des Français, la santé n’est pas encore assez débattue dans les élections. On se représente que la France a le meilleur système de santé. Mais ce n’est pas parce que l’on a un bon plateau technique et d’excellents médecins que l’on peut bénéficier de cette prise en charge de qualité. Nous avons un système de santé solidaire qui est malade. C’est ce que l’on constate dans nos consultations (40 000 par an, ndlr) : 25% de nos patients vont consulter trop tardivement, 80% ont des droits ouverts dont ils ne peuvent profiter, deux tiers des enfants ne sont pas à jour des vaccinations les plus sommaires (DT Polio, rougeole…) et 68% des femmes enceintes ne sont pas suivies correctement. Ce n’est pas une vue de l’esprit. Nous avons des éléments objectifs issus du terrain.

Qui sont les patients qui viennent dans vos centres de soins ou dispensaires ?

Nous nous occupons de la grande précarité (SDF, drogués, prostituées, migrants…) mais nous voyons de plus en plus de Français qui n’ont pas accès aux soins car ce qui leur reste à charge est plus important. Ils gagnent trop pour bénéficier de la CMU (couverture maladie universelle, ndlr) et pas assez pour se payer une mutuelle pour rembourser leurs soins dentaires ou même des soins généraux. De notre point de vue, le système de santé solidaire a donc besoin d’être soutenu.

Quelles sont vos propositions pour un meilleur système de santé ?

Nous revendiquons la suppression des mesures restrictives à l’aide médicale d’état (AME) – qui bénéficient aux personnes en situation irrégulière – dont le droit d’entrée est de 30 euros. Il y a trop de barrières administratives qui font que les droits sont difficilement ouvrables. Nous souhaitons aussi porter le seuil d’attribution de la CMU au niveau du seuil de pauvreté et fusionner l’AME dans la CMU. Enfin, nous ne voulons plus de cette politique répressive qui rend malade.

Qu’entendez-vous par là ?

Il y a une volonté d’utiliser la violence pour dissuader les personnes de rester sur le territoire. Et cela a un impact sur l’accès aux soins de cette population en marge. La politique d’expulsion intense à Mayotte conduit à deux drames majeurs : le retard du recours aux soins et des familles terrorisées et fractionnées entre Anjouan et Mayotte. À cause du délit de racolage passif, les prostituées se trouvent plus vulnérables car elles doivent s’isoler. Et ainsi elles ne peuvent plus bénéficier de nos programmes de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles. Il y a aussi la politique qui frappe les usagers de drogue par voie intraveineuse. 60% sont atteints d’hépatite C. Plusieurs organismes recommandent des salles de consommation supervisées. On sait que ces dispositifs fonctionnent. Pourtant, ils n’ont pas été acceptés. Il y a une nécessité de favoriser ce type de programmes et de réorienter les investissements sur la prévention plutôt que la répression ■

Propos recueillis par Marie Peyrard

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