Le jour où le monde refuse la misère, la mairie de Marseille criminalise les SDF

« Trop, c’est trop », n’en revient pas Rencontres tsiganes, « ça dépasse tout et pourtant, on était déjà passé par-delà les bornes de la décence », selon la Fondation Abbé-Pierre, « atterrant », pour Médecins du monde, « une déclaration de guerre », d’après Europe Ecologie-les Verts, « misérable » estime le PCF, enfin, « insupportable et inacceptable », pour le Modem. Quant à la LDH, c’est par voie de justice qu’elle entend contre-attaquer.
C’est une droite entièrement décomplexée qui s’est exprimée lundi, journée mondiale du refus de la misère, dans l’hémicycle du conseil municipal pour infliger une punition et une humiliation de plus à ceux qui n’ont déjà plus rien. La mendicité est désormais passible d’une amende de 38 euros sur certaines zones marseillaises et l’argument invoqué est une fois encore « la sécurité publique ».
Encore une fois, on veut faire rimer précarité avec dangerosité. Même au moyen âge, les autocrates n’avaient pas osé aller jusque-là, tolérant glanage et grappillage. Jean-Claude Gaudin, maire (UMP) de Marseille, via son adjointe Caroline Pozmentier, cherche ainsi à flatter un président en porte-à-faux avec sa promesse « zéro SDF » et à gommer l’échec de leur propre politique.

Contre-offensive à base de procès et de désobéissance
Chez Médecins du monde, le Dr Philippe Rodier en tombe le menton : « C’est la bêtise qui le dispute à la volonté manifeste de nuire. » Et de compléter : « Une fois de plus, on traite le problème de l’exclusion et de la précarité par leur pénalisation : la marque d’un gouvernement qui n’est capable que d’effets cosmétiques. » Alain Fourest, le président de Rencontres tsiganes, s’insurge également devant cette mesure aberrante qui veut taxer les pauvres. « Comble de l’hypocrisie » quand le maire « fait publier un arrêté au moment où nous lui demandons d’honorer sa promesse d’une table ronde » sur la situation des familles roms. « Comble du cynisme » quand cet arrêté « prend effet le 17 octobre », écrit l’association dans une lettre ouverte au maire et où ses membres promettent « de ne pas rester tranquilles ».
Pas tranquille du côté de la LDH non plus, qui « attaque le texte en justice », annonce, déterminé, Pierre Henri Arias, président du secteur Marseille-centre. Et même carrément agités pour les compagnons d’Emmaüs qui répondent par une provocation à la provocation.
Sur le plan politique, pas de dupes. Le PCF condamne cet arrêté « cruel » en soulignant que « les tartuffes de l’UMP ont décidément un problème avec ceux qui sont les principales victimes de leur politique » et rappelle quelques antécédents dont « l’arrêté anti-glanage pris par le maire UMP de Nogent-sur-Marne ». Sébastien Barles, pour EE-LV, s’indigne : « C’est décidément une véritable guerre contre les plus démunis à laquelle se livrent les élus de la majorité. » Et le Modem exprime sa colère : « En pleine crise économique et sociale, Jean-Claude Gaudin n’a trouvé d’autre réponse à la détresse humaine que de s’acharner sur les victimes en les menaçant de contravention. »
Plus ambiguë la position de Patrick Mennucci, maire PS des 1er et 7e arrondissements, qui se déclare « favorable à l’interdiction de consommation d’alcool sur la voie publique » mais trouve l’arrêté « mal ficelé ». Une posture plutôt décalée par rapport à sa fédération de son parti qui « s’insurge contre l’adoption de cet arrêté » qui « stigmatise les pauvres au lieu de combattre la misère ».
MYRIAM GUILLAUME

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