«La lutte contre l’exclusion est un plus pour tout le monde»

Thierry Brigaud, le président de Médecins du Monde, est à Angoulême vendredi pour les Universités d’automne de l’ONG. Pour travailler sur une nouvelle forme de militantisme.

Médecin du travail au CHU de Montpellier, Thierry Brigaud a pris la tête de Médecins du Monde en juin dernier. 	Repro CL

Médecin du travail au CHU de Montpellier, Thierry Brigaud a pris la tête de Médecins du Monde en juin dernier. Repro CL

Ils seront une petite centaine, à partir de demain et jusqu’à dimanche, à se retrouver à l’hôtel Mercure pour les Universités d’automne de Médecins du Monde. Un temps de réflexion organisé cette année par la délégation du Poitou-Charentes et destinée aux cadres dirigeants, délégations régionales, coordinateurs internationaux et administrateurs de l’ONG. Questions à Thierry Brigaud, nouveau président de Médecins du Monde.

Quelles thématiques allez-vous aborder ?

Thierry Brigaud. On va réfléchir à la façon d’intervenir autrement, en accentuant davantage le travail avec les partenaires, les bénéficiaires, mais aussi les autorités de santé, que ce soit sur des urgences ou des actions à long terme. L’idée est de nous intégrer dans un tissu social. C’est une balance entre la sécurité de nos équipes et le travail réalisé, l’objectif étant qu’il soit pérenne. Au Nord-Mali, on aide des Maliens déjà présents sur place, car il n’est pas possible d’envoyer un Français.

Cela est-il vrai en France ?

Oui, on gagne en efficacité quand les usagers participent aux projets. On teste, par exemple, des médiateurs santé pour faire le lien entre les Roms et notre système de santé. C’est comme ça qu’on arrive à travailler sur le planning familial, par exemple. A Angoulême, la grande réussite de l’équipe tient au partenariat mis en place avec les autres associations. On aimerait que ça fasse tache d’huile.

Vous êtes entré à Médecins du Monde en 1988, préoccupé par la montée de la précarité. Quel constat faites-vous, vingt-quatre ans plus tard ?

Je suis stupéfait de voir combien le phénomène s’est amplifié, alors qu’il existe des solutions. On sait par exemple que 10 % à 15 % des sans-abri ont des pathologies mentales. On a expérimenté des projets «housing first», qui consistent à proposer un toit en premier, avant d’entamer un travail social. Il ne faut pas faire les choses à l’envers.

23% de Français avouent renoncer à certains soins en raison de la crise. Les voyez-vous dans vos consultations ?

Pour l’instant, on les voit peu, car la CMU ou l’aide médicale d’Etat limitent la casse. Ce sont des gens qui diffèrent plutôt les soins d’optique ou d’appareillage auditif, mal remboursés par la Sécu. On voit un peu moins de 10 % de la population dans nos consultations. Mais on en a fait 40.000 cette année. Des gens font la queue et on voit désormais des mineurs isolés ou en bas âge avec leur famille. Il y a urgence à mettre en place une politique de lutte contre la pauvreté!

Vous plaidez pour une décriminalisation de l’usage des drogues. Marisol Touraine espère lancer des salles de consommation avant fin 2012…

C’est un de nos combats. Les salles de consommation permettent de tisser du lien social avec des usagers de drogue à haut risque, en voie de précarisation, mais aussi de réduire les risques d’infection. 60 % des usagers de drogue ont l’hépatite C. Sans compter que cet outil diminue les nuisances pour le voisinage. Si Marisol Touraine donne son feu vert, on ouvrira au moins une salle sur Paris dans un premier temps.

On entend de plus en plus de discours pointant les plus pauvres et les étrangers…

Ces discours de la peur me hérissent le poil. La lutte contre l’exclusion est un plus pour tout le monde. Quand certains prétendent que des gens viennent de l’autre bout du monde pour profiter de notre système de santé, c’est un mensonge. On le sait parce qu’on travaille ici et là-bas. Les villages choisissent au contraire ceux qui sont jeunes et en bonne santé, capables d’endurer un parcours migratoire dangereux pour ramener de l’argent. On dit qu’ils sont feignants ? Mais ils travaillent au noir et envoient plus d’argent dans leur pays d’origine que l’aide publique au développement !

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