La grande menace du froid sur les réfugiés de Calais

NOTRE SOCIÉTÉAu camp de Calais qui grossit chaque jour, les associations s’inquiètent du refroidissement depuis le début de la semaine. La situation sanitaire est très mauvaise à l’approche de l’hiver.

Le chiffre donne le vertige. Dans la « jungle » de Calais, selon la terrible expression consacrée, on est passé de 2000migrants début juin à un chiffre oscillant aujourd’hui entre 4000 à 6000. Et avec l’hiver qui arrive, la catastrophe sanitaire menace à en croire les organisations qui s’occupent chaque jour avec grande difficultés des centaines de familles qui èrent dans cette zone.

Depuis le début de la semaine, les températures nocturnes sont tombées à pas plus de 5 degrés. « Je n’ai rien pour l’isoler, donc j’enfilerai un pull supplémentaire distribué par les associations », confie Abdulilah, la cinquantaine, à propos de son enfant. Cet Afghan construit sa cabane depuis quelques jours.

A l’approche de l’hiver, les associations présentes dans le bidonville situé près de la rocade portuaire, plus surpeuplé que jamais, s’inquiètent des conditions de vie de plus en plus précaires. « On patauge dans la boue. Il y a des endroits où l’eau stagne et c’est très difficile, y compris sur les points d’eau très mal aménagés. On est dans le vent, la pluie et le froid, c’est encore pire que dans les jungles précédentes », estime François Guennoc, de l’Auberge des migrants.

125 containers pour des milliers de personnes

Dans les allées sinueuses de ce taudis aux airs de township sud-africain, on tente de solidifier les abris de bric et de broc censés protéger des aléas du temps. « On est au bord de la rupture. Il y a des insuffisances sur la protection aux personnes et sur les délais pour traiter les demandes d’asile. C’est inacceptable qu’un Etat, sixième puissance mondiale, cautionne cela », dénonce Jean-François Corty, responsable des missions France chez Médecins du Monde. 

« L’hiver ne va pas améliorer les conditions de vie sur un terrain qui voit encore des personnes arriver et qui n’est pas sous contrôle. Aujourd’hui, au travers de cette mission, l’Etat ne pourra pas se défausser. Même s’ils savent déjà, c’est une manière pour eux de temporiser, mais ils ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas. Nous n’acceptons plus de nous substituer à des responsabilités d’un Etat qui doit pouvoir proposer autre chose qu’un bidonville à des milliers de personnes ne cherchant qu’à être protégées », ajoute-t-il.

Afflux de demandes d’asile

Le dispositif humanitaire annoncé par le gouvernement fin août censé offrir à 1.500 personnes un logement en dur semble susciter plus de questions que de solutions. D’ici le 31 décembre, 125 containers pouvant loger 12 personnes chacun doivent être installés pour former un camp clos. « Il y aura un périmètre matérialisé avec un dispositif d’identification des individus pour qu’on sache qu’ils habitent sur le site », explique Guillaume Alexandre, directeur de La Vie Active, l’opérateur retenu par l’État pour sa construction.

Mais son fonctionnement est encore à l’étude, l’utilisation de badges étant exclue, « les migrants pouvant se le faire voler ». « On est dans le flou total. Que fait-on des deux tiers restant ? Il y aura plus de promiscuité et donc des tensions plus fortes. Cela va aggraver la situation des 2500 autres ! « , s’emporte Christian Salomé, président de l’Auberge des migrants, pour qui une telle situation ne pourra que « créer de la jalousie » entre « les heureux élus du site et les autres ». Toutes les associations s’accordent à dire que le dispositif de 1500 personnes n’est pas suffisant.

Malgré cette situation très difficile, le camp grandit chaque jour à vue d’œil. 630.000 migrants sont entrés illégalement depuis le début de l’année en Europe et Calais constitue pour certains le dernier rempart avant d’atteindre l’Angleterre, la destination rêvée. Parallèlement, les demandes d’asile se multiplient, incitant à la sédentarisation, selon les associations : « l’Etat en reçoit entre 125 et 150 par semaine », principalement des Soudanais et Érythréens, indique la préfecture du Pas-de-Calais. Les 2000 demandes ont ainsi été dépassées, contre 895 pour toute l’année 2014.

 

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