Haïti : « les autorités devraient être en mesure de prendre tout en charge »

Le 12 janvier 2010, un séisme destructeur frappait l’île d’Haïti, faisant 300.000 morts et disparus, plus de 300.000 blessés et près de 1,5 millions de sans-abri. L’émoi et la consternation de la communauté internationale ont provoqué l’afflux massif de dons et d’ONG. Où en est Haïti avec l’aide humanitaire et quels sont ses besoins ? Rencontre avec Céline Beaudic, responsable d’Haïti pour Médecins du Monde.

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Les ONG ont mis sur pied des cliniques mobiles qui se sont transformées en des centres de santé temporaires, avant d’être reprises par les autorités sanitaires du pays. Photo : THONY BELIZAIRE / AFP

Quelle est la situation humanitaire de Haïti ?
L’île va mieux. Nous ne sommes plus dans une période de crise mais de reconstruction. Je dirais qu’aujourd’hui, Haïti est redevenue ce qu’elle était avant la catastrophe. Au niveau du système de santé, cela signifie payant et pas au top. Médecins du Monde est d’ailleurs présent sur l’île depuis 1989, sur de multiples urgences : cyclones, tremblement de terre, épidémie, famine, etc. Pour ce qui est de l’épidémie de choléra, qui a frappé le pays en octobre 2010, contaminé près de 700.000 personnes et fait quelque 7.500 victimes, nous sommes passés de la phase épidémique à la phase endémique. Mais la maladie n’est pas éradiquée. Et près de 360.000 personnes sont toujours sans-abri.

Quel est le travail des ONG, et notamment celui de Médecins du Monde ?
Médecins du Monde est actuellement présent dans la région de la Grande Anse, une province rurale du sud du pays qui n’a pas été détruite par le séisme. Nous avons été très actifs dans les zones touchées, et notamment Port-au-Prince, la capitale. Mais aujourd’hui, les ONG sont moins présentes car la crise est passée et la situation est moins catastrophique. Le programme post Port-au-Prince s’est arrêté en décembre dernier. Nous avons monté des cliniques mobiles qui se sont transformées en des centres de santé temporaires, avant d’être repris par les autorités. Et cela fonctionne.

Aujourd’hui, les autorités devraient être en mesure de prendre tout en charge. Notre programme choléra s’arrêtera en 2014 et depuis un an, nous formons les Haïtiens pour prendre le relais. Mais on se heurte aux fragilités chroniques, à savoir peu de ressources humaines et peu de moyens. Au risque de faire repartir l’épidémie : en juin 2013, 140 personnes ont été contaminées sur la Grande Anse, et six sont mortes. Ça nous fait une mortalité à 4,29 %, c’est beaucoup trop pour une maladie qui se soigne ! A ce stade on devrait être en-dessous de 1 %. Mais nous ne devons pas nous substituer aux autorités sanitaires du pays, ce n’est pas notre mandat.

A quel niveau agissez-vous principalement aujourd’hui ?
Sur la région de la Grande Anse, nous travaillons en soutien aux centres de santé, surtout sur les questions maternelles. On fait en sorte que les femmes enceintes aient accès à des soins adaptés. Et qu’elles ne perdent pas leur enfant. Il faut savoir qu’Haïti a le taux de mortalité maternelle le plus élevé de l’hémisphère Nord, avec 630 décès pour 100.000 naissances.

En janvier 2014, nous espérons pouvoir lancer un nouveau programme sur trois ans, qui concerne la mortalité maternelle suite à un avortement. Haïti est un pays qui interdit l’IVG, elles sont donc faites souvent dans des conditions dangereuses pour la mère et l’enfant. Et en toute illégalité bien sûr. Le ministère de la Santé n’ignore pas ce problème, mais c’est un dossier compliqué à gérer. C’est pourquoi nous leur présentons sous la forme d’un planning familial qui vient en aide aux mères dans le besoin et qui fait valoir leurs droits sexuels et reproductifs. Malheureusement, nous manquons de fonds et nous ne sommes pas sûrs de pouvoir lancer ce programme.

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