Future Loi de santé : ne pas oublier les plus fragiles

Future Loi de santé : ne pas oublier les plus fragiles

Frédéric VALLETOUX, Président de la Fédération Hospitalière de France, et Thierry BRIGAUD, Président de Médecins du Monde

 

Depuis la loi d’orientation de 1998 relative à la lutte contre les exclusions, de nombreuses mesures législatives ont été engagées et une multitude de rapports ont été publiés. Pourtant, notre système de santé reste traversé par d’importantes inégalités. Les personnes les plus vulnérables sont souvent en moins bonne santé et ont de plus grandes difficultés à accéder aux soins et aux actions de prévention. Sur le terrain, les hôpitaux publics sont souvent seuls, avec quelques associations, dont Médecins du Monde, à assumer la mission de prise en charge des plus précaires.

 

Il y a urgence à agir pour inventer un nouveau modèle. Alors que le président de la République a hissé la santé au rang de priorité du futur pacte de solidarité, nous appelons le gouvernement à traduire ces intentions en actes. La lutte contre les vulnérabilités doit être au cœur de la future loi de santé publique. La Fédération Hospitalière de France et Médecins du Monde partagent cette ambition d’agir pour préserver un système de santé de qualité, solidaire et ouvert à tous.

 

Pour la première fois, nous avons mené une réflexion commune afin d’élaborer des propositions concrètes. A l’issue de ce travail qui a mobilisé de nombreux experts et acteurs du monde de la santé, la FHF et Médecins du Monde versent au débat 35 propositions pour améliorer la prise en charge des personnes les plus fragiles. Ces propositions s’inscrivent dans trois priorités qui doivent guider la future politique de santé.

 

Il s’agit d’abord de conforter le rôle de l’hôpital dans l’accueil des plus vulnérables. Tant pour des raisons éthiques que pour répondre, de manière opérationnelle, aux besoins des populations les plus fragiles, il nous faut défendre un service public accessible à tous. Ce service public doit s’appuyer sur la coopération avec l’ensemble des acteurs du secteur sanitaire et social. La question du financement public de l’accueil des plus fragiles doit également être posée. La tarification à l’activité n’est pas adaptée à la complexité sociale de certaines prises en charge. L’insuffisance de moyens et l’inadéquation des modes de financement freinent le développement de certaines actions à destinations de publics fragiles et pose la question de la pérennité de nombreux dispositifs. Il apparaît nécessaire de soutenir financièrement les établissements publics dans leurs actions en sanctuarisant les moyens alloués et en confortant les financements.

 

La deuxième priorité doit être de replacer l’hôpital au cœur des territoires. Pour accueillir au mieux les plus fragiles, l’hôpital doit continuer à s’ouvrir à son territoire. Cette ouverture aux autres acteurs, où qu’ils soient et quel que soit leur statut, leur mode d’intervention, est la seule voie qui permette de croiser les regards, de créer des réseaux, de faire émerger des dispositifs innovants et de quitter les référentiels strictement médicaux. Définir une stratégie de soins avec un patient sans domicile fixe, ou un patient migrant sans titre de séjour, impose de prendre en compte les impasses administratives, les limites des possibilités d’hébergement, et oblige à mobiliser tous les acteurs de proximité. Les contrats locaux de santé constituent un des outils qui doit permettre ces approches collectives et complémentaires.

 

La troisième priorité est celle de la participation des patients au système de santé. Ce débat dépasse le périmètre de la précarité mais se trouve aiguisé par l’absence de représentation organisée et souvent du rejet des patients en situation d’exclusion sociale. Or, le travail de médiation sanitaire et les connaissances profanes des patients, sont des leviers pertinents. Ne pas utiliser ces forces serait une erreur, il y va de notre démocratie en général, de notre démocratie sanitaire en particulier de favoriser une participation active des usagers, et, notamment, de ceux qui connaissent ou ont connu une situation de fragilité ou d’exclusion sociale.

 

Les modes d’exercice des professionnels doivent également évoluer. Les patients en situation de vulnérabilité sociale sont des patients complexes. Il est nécessaire que les professionnels de santé ne s’en tiennent pas au seul aspect biomédical et prennent le temps d’analyser la trajectoire de ces patients qui cumulent des fragilités. L’enjeu est d’inventer un modèle de coordination entre une médecine standardisée et une pratique médicale personnalisée qui prend en compte l’environnement des personnes. Les permanences d’accès aux soins de santé, les réseaux santé-précarité, ou les coopérations entre des services hospitaliers et médico-sociaux, sont autant de dispositifs qui favorisent les soins coordonnés, une approche transversale et qui permettent de développer la recherche et la formation sur les questions de santé et vulnérabilités sociale. Nous devons nous appuyer sur ces fondations pour construire une offre de soins adaptée aux besoins du patient et conforme à notre exigence de solidarité.

Notre système de santé est à la veille de choix fondamentaux. Contrairement à ce qu’expriment certaines voix qui appellent à une plus forte marchandisation des soins, la santé ne sera jamais un bien comme les autres. Les bases historiques de notre système, les valeurs d’ouverture et de solidarité, font toujours sens et perdureront dans le monde de demain. La future Loi de santé ne doit pas oublier les plus fragiles. Plus que jamais, ces patients nous poussent aujourd’hui à nous mobiliser pour construire des réponses de soins solidaires … à hauteur d’Homme.

 

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