Françoise Sivignon : « Le conflit syrien est d’une complexité énorme »

Pourquoi la guerre en Syrie mobilise-t-elle si peu l’opinion ?

La réponse de Françoise Sivignon, présidente de Médecins du monde

En août dernier, Médecins du monde a lancé une pétition en ligne pour alerter sur la situation en Syrie. Jusqu’au début de cette semaine, le nombre de signataires plafonnait, et ce depuis des mois, autour de 30 000 personnes. C’est peu comparé, par exemple, aux centaines de milliers de signatures que notre pétition sur les prix des médicaments a recueillies. Le manque de succès de cet appel montrait le peu de mobilisation des Français autour du sort d’Alep et plus largement du conflit en Syrie.

Ces derniers jours, nous avons constaté une brusque augmentation des signatures. Cela est dû aux images en provenance d’Alep et à notre activation des leviers politiques. La semaine dernière, nous avons, par exemple, rencontré le président Hollande, pour que les règles du droit international soient respectées.

Nous n’avons pas fait d’appel aux dons spécifique sur la Syrie. Nous travaillons sur place avec dix partenaires qui tentent de venir en aide à la population, de tous les côtés. Nous sommes des soignants et nous sommes révoltés quand nous ne pouvons pas soigner. En Syrie, les accès aux victimes sont compliqués. À

Alep, nous n’avons pas eu l’autorisation d’évacuer les blessés qui auraient dû l’être il y a une dizaine de jours. Face à cette situation, il faut noter la mobilisation, dans le monde entier, des professionnels de la santé d’origine syrienne. Aussi bien aux États-Unis qu’en France ou en Australie. On pourrait imaginer que la diaspora se mobilise dans d’autres professions, comme les avocats.

Dans nos messages concernant les personnes arrivant en Europe, nous ne distinguons pas les réfugiés syriens des autres réfugiés et migrants. Notre message est de répéter que l’Europe a les moyens de protéger et d’accueillir toutes ces personnes. Nous portons une attention particulière aux mineurs non accompagnés. Il faut contrer les discours racistes et xénophobes, expliquer ce qu’est un parcours migratoire. Je suis frappée de voir comment, dans les petits villages français, les gens sont en proximité avec les migrants, comment l’accueil se passe bien.

Et pourtant, la mobilisation générale pour Alep est faible. Je pense qu’il y a de la lassitude, de l’impuissance des gens face un conflit qui dure, une violence que la communauté internationale et notamment l’ONU sont incapables d’arrêter. Il faut dire que le conflit est d’une complexité énorme. Qui sont les bons, qui sont les mauvais ? Le terrorisme qui a frappé notamment la France rend encore plus aiguës ces questions, brouille les messages. Mais, on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. Tout est connu : les tortures dans les prisons, les bombardements des hôpitaux et des écoles, les civils piégés à Alep et qui n’ont pas les moyens de partir.

http://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/Francoise-Sivignon-Le-conflit-syrien-dune-complexite-enorme-2016-12-16-1200810995

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