Françoise Sivignon, la French doctoresse

Elle a toujours préféré le travail sur le terrain au confort d’un cabinet de radiologie. Elue présidente de Médecins du monde, cette combattante dénonce le sort réservé aux migrants.

C’est son premier carton rouge. Elue ­présidente de Médecins du monde samedi 30 mai, ­Françoise Sivignon n’aura pas perdu de temps pour lancer son premier cri d’alarme. « L’Europe et la France sont en train de mettre en œuvre une politique de criminalisation des migrants », s’insurge-t-elle. A ses yeux, « ces gens sont traités comme des ennemis et considérés comme coupables du simple fait d’être là ».

Les rescapés de la Méditerranée et autres exilés peuvent compter sur le timbre clair de cette radiologue spécialiste du sida qui préside désormais aux destinées de l’organisation installée dans quarante pays. Ses accents rappellent d’ailleurs les tout premiers jours de Médecins du monde. Quand en 1980, il y a trente-cinq ans, des médecins bénévoles recueillaient sur leur bateau des boat people vietnamiens. Durant ses treize années de bénévolat, Françoise Sivignon a traîné son stéthoscope dans une bonne vingtaine de pays. Faire carrière dans un cabinet parisien ne l’a jamais fait rêver. Aussi a-t-elle toujours joué la remplaçante dans les cabinets des autres ou au sein des services hospitaliers, pour mieux rester disponible aux SOS de la planète.

La Voix des plus démunis

Enfant, Françoise Sivignon avait déjà la bougeotte au point de ne jamais tenir dans le cadre d’une photo, se plaignait son père. A 16 ans, sitôt le bac en poche, elle quitte sa petite ville de Nevers pour « monter » à Paris faire médecine. « J’étais bonne élève, l’idée de soigner me séduisait assez », rappelle-t-elle. Sa première expérience sera fondatrice et lui donnera le goût des combats politiques. « Au tout début des années 1980, j’ai eu la chance de travailler dans l’équipe de Willy Rozenbaum », pionnier de la prise en charge des malades du sida, à Paris. « J’ai croisé là des patients qui ont forgé mon admiration. On n’avait pas de traitement à leur proposer, mais ils voulaient savoir, comprendre et ils interpellaient avec véhémence les pouvoirs publics. »

Cette approche politique marque profondément la jeune médecin qui n’aura de cesse de rechercher ailleurs ces patients-combattants. Jusqu’au jour où elle frappe à la porte de Médecins du monde, en 2002. « En tant que spécialiste du VIH, j’ai été chargée 
d’ouvrir un centre pour les prostituées, en Birmanie. » Durant cette mission, elle vit une expérience qui ne la quittera plus. « Les conditions étaient difficiles, le regard sur ces femmes, dans le pays, terrifiant. Pendant des mois, nous avons pris en charge une jeune fille de 16 ans qui a passé des journées entières à nous observer, incapable de parler. Et puis, peu à peu, la métamorphose, sur laquelle on n’aurait jamais parié, s’est opérée. Elle a aidé nos équipes, s’est impliquée de plus en plus et, la dernière fois que j’y suis allée, elle dirigeait le centre », se réjouit-elle. Preuve s’il en fallait qu’on peut faire mentir les destins les plus mal engagés.

Voix des victimes de catastrophe et des plus démunis, Françoise Sivignon porte un regard particulier sur les exilés, dont elle sait « les histoires douloureuses », certes, mais chez qui elle a décelé cette même énergie vitale que chez la jeune Birmane. « Chaque fois 
que j’ai passé du temps avec eux, j’ai vu une lueur au fond de leurs yeux », résume la radiologue. « Dans la pénombre d’une salle d’échographie, les vies se racontent au médecin qui regarde dans votre corps », ajoute-t-elle.

Au centre d’accueil de soins et d’orientation (CASO) de Saint-Denis, près de Paris, Françoise Sivignon a beaucoup travaillé auprès des femmes et s’avoue touchée par l’extrême force de vie que dégagent celles qui ont bravé les déserts et la mer. « Il faut des ressources que l’on imagine à peine pour surmonter ce qu’elles ont pu vivre », confie celle qui veut que la France se saisisse enfin de ce potentiel. « Capitalisons sur cette force, cette énergie », propose la présidente de l’association, qui compte bien avoir les deux pieds dans l’action politique.
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