Gaza. « Toutes les limites ont été dépassées »

Le Morlaisien Owen Breuil, 34 ans, est coordinateur général pour la Palestine de Médecins du Monde. Il était à Gaza pendant les longues semaines de conflit, cet été. Il témoigne.

Expliquez-nous quelle est votre mission en Palestine ?

Je suis arrivé en Palestine en avril en tant que coordinateur général pour Médecins du Monde (MDM). Il y a quelques mois, MDM a ouvert un nouveau projet pour réduire l’impact psychologique de la violence des colons sur les familles palestiniennes à Naplouse (Cisjordanie). Et à Gaza, avant le début de l’opération israélienne « Bordure protectrice », nous travaillions avec onze dispensaires et les communautés (environ 800 personnes) pour les préparer à faire face aux urgences, notamment à travers des formations aux premiers secours. Nous venions également d’amorcer un projet sur le planning familial en partenariat avec une association palestinienne appelée CFTA.

Quels souvenirs conservez-vous du début des hostilités ?

Dès mon arrivée, on sentait que le climat était extrêmement tendu. Il y a eu comme un cheminement, une descente aux enfers. Tout a basculé avec la disparition de trois colons. Lorsque leurs corps ont été découverts, Jérusalem a été témoin de plusieurs manifestations d’extrême droite, suivies du meurtre par immolation d’un jeune adolescent palestinien. Ce qui a provoqué une vague d’émeutes dans les quartiers de Jérusalem pendant une semaine. Deux jours après la fin des émeutes, la guerre à Gaza commençait. La bande de Gaza a été sévèrement touchée.

Pouvez-vous nous dire à quel point ?

C’est très impressionnant. Nous avons visité les zones particulièrement touchées. Il y a des éclats d’obus partout. Par endroits, il ne reste plus rien, c’est rasé. Il y a entre 60 % et 100 % de destruction. À Gaza city, les bombardements ont touché de nombreux bâtiments. Pendant les cinquante jours de conflits, les Gazaouïs ont eu le sentiment atroce de n’être en sécurité nulle part. Tout le monde pouvait être victime. Les familles, les civils et les hôpitaux n’ont pas été épargnés. Même les ambulances et les abris des Nations unies (UNRWA) ont été ciblés et touchés. Toutes les limites ont été dépassées. Les lois internationales, les conventions de Genève… ont été bafouées.

Avez-vous pu mener à bien votre mission ?

Depuis le début de l’opération militaire israélienne, tous nos programmes à Gaza ont été considérablement affectés et nous avons réorienté nos actions pour répondre aux besoins les plus urgents. Des livraisons de médicaments pour la pharmacie centrale de Gaza du ministère de la Santé palestinien ont pu être organisées dès le mois de juillet, malgré les bombardements. La plupart des déplacés se réfugient dans les écoles où l’on a installé deux cliniques mobiles. Elles remplacent les hôpitaux détruits. Chaque semaine, ce sont près de 800 consultations qui sont ainsi réalisées par ces cliniques. Nous continuons à collecter de l’argent afin de lancer trois cliniques supplémentaires.

Combien de temps faudra-t-il à Gaza pour se relever ?

C’est difficile à dire. Ça va être très long. Dans des zones très urbanisées, il y a 200.000 personnes qui ont leur maison partiellement ou complètement détruite. Des tours entières de huit étages sont à terre. Je ne sais pas qui va pouvoir financer de tels travaux.

Dans quel état psychologique se trouvent les Gazaouïs ?

Les gens sont traumatisés. La durée des attaques a été très éprouvante. Personne ne croyait que ce serait si long. À votre avis, comment sortir du conflit ? Tout le monde s’accorde à dire que c’est impossible de revenir au statu quo. Il faut que les négociations avancent. Il ne faut pas oublier que Gaza était déjà, avant cet été, une grande prison à ciel ouvert dépendante de l’Égypte et surtout d’Israël. Il faut d’abord lever le blocus. Israël le concède très difficilement mais l’Europe a son rôle à jouer dans la fin du blocus. Ce qui permettrait à Gaza de normaliser la situation et de commencer à se développer.

Renseignements pour aider (dons par exemple) sur www.medecinsdumonde.org ou à l’adresse postale : Médecins du Monde, 62, rue Marcadet, 75018 Paris.

© Le Télégramme – Plus d’information sur http://www.letelegramme.fr/bretagne/gaza-toutes-les-limites-ont-ete-depassees-04-09-2014-10323503.php

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *